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candidatures soumises au visa du gouvernement.
Il ne faut pas lâcher la ville par ce temps de disette, par ces
trente degrés de froid parce que cette disette et ce froid
préparent la fièvre chaude de l insurrection ! Il faut rester là où
l on crève.
Sans compter aussi que les provinces, qui ne sont pas venues
à notre secours, ne bougeront pas davantage, parce que des gens
de Paris seront arrivés du matin et auront clubaillé le soir !
Mais c est pour faire « comme en 93 ».
Les convaincus le pensent, et les roublards se disent que
lorsqu on a mis le pied à l étrier des fonctions, on n est
désarçonné ni par les coups de poing des émeutes, ni par les
coups de fusil des restaurations.
« Mais, saperlipopette ! crie Picard à ses collègues,
commissionnez-les donc, qu ils aillent se faire pendre ailleurs, ou
qu ils passent d eux-mêmes leur tête dans le collier ! Une fois la
nuque prise, ils ne pousseront plus votre caboche, à vous, sous la
lunette de la guillotine& pas de danger ! Ils vous demanderont de
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les conserver après l orage, et de régulariser leur mandat
d irréguliers ! C est toujours comme ça que ça se passe. »
Seulement, cette philosophie ne fait pas le compte des
autoritaires, qui ne veulent pas avoir l air de céder à la populace
et qui ont envie de jouer au Jupiter tonnant, lançant des Quos ego
devant lesquels se retireraient, la crête basse, les flots qui
moutonnent.
Ils moutonnaient dur, un soir. Nous étions un tas d officiers
de faubourg qui étions montés, en grand uniforme, pour
demander si l on se moquait du peuple.
Ferry et Gambetta sont arrivés. Et patati, patata, au nom de la
patrrrie, du devoirrr& Gambetta nous a apostrophés et
morigénés.
Mais on a riposté froidement et durement.
Lefrançais a donné, d autres aussi : on a crevé la peau d âne
de leurs déclarations.
Ils ne savaient plus que répondre& ils ont menacé.
« Je vais vous faire arrêter, m a dit Ferry.
Osez donc ! »
Ils n osent pas, et les voilà qui reculent piteusement.
Gambetta a filé en sourdine, après un dernier moulinet
d éloquence.
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Ferry, qui joue les crânes, reste. On l entoure, on le presse&
Qui sait comment la soirée va finir, et s il couchera dans son lit ?
Quelques commandants se sont parlé à l oreille dans un coin,
et on a vu leur main serrer la poignée de leur sabre.
« Vingtras, en êtes-vous ?
Qu y a-t-il ?
Nous sommes ici une centaine, représentant cent
bataillons. Sur cette centaine, il y en a huit au plus pour Gambetta
et Ferry. Si les quatre-vingt-douze autres disaient à ces huit et à
ces deux : « Vous êtes nos prisonniers ? »
L idée a mordu. Il va y avoir du nouveau dans une heure !
Mais on a deviné sur nos lèvres et dans nos yeux ce que nous
complotons.
Vont-ils prendre les devants, appeler les compagnies de garde
et nous faire cerner et désarmer ?
Non ; ils ne sont même pas sûrs de ceux qu ils ont chargés de
les défendre !
Il faut pourtant parer au danger.
Qui les sauvera ?
Deux hommes : Germain Casse qui fait le farouche, mais a un
pied dans leur camp, et Vabre qui a toujours été avec eux !
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Ils se sont écartés un moment, pour reparaître une minute
après, échevelés et haletants.
« Aux remparts ! aux remparts ! ! »
On accourt.
« Aux remparts ! L ennemi vient de percer les lignes. Les
bastions sont pris ! »
Personne ne pense plus à la conjuration, ou si quelques-uns y
pensent encore, ils sentent bien que cette manSuvre les tue !
Et voilà comment, un soir de la semaine dernière, l Hôtel de
Ville a échappé à quelques commandants résolus qui voulaient
s en emparer.
Mais, patience ! & Ils n auront rien perdu pour attendre !
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30 octobre.
Oudet et Mallet sautent dans ma chambre. Ils m apprennent
le massacre, la défaite du Bourget.
« Oudet, repêche un clairon ! & Mallet, procure-toi une
hache ! & Tambours, battez le rappel ! & »
La rue est en feu ! Les sonneries et les batteries font rage !
Mallet a sa hache à la main.
Voici des centaines d hommes qui, sous la fenêtre même au
pied de laquelle on hurlait : « À bas le commandant ! », attendent
que Vingtras leur crie pourquoi il a proclamé le tumulte.
« Citoyens, je reprends ma démission, et vous demande de
marcher à votre tête et, sur-le-champ, à l aide des nôtres, qu on
laisse égorger sans secours, là-bas, au Bourget ! »
Frémissements ! exclamations !
« Au Bourget ! Au Bourget ! »
On serre les mains d Oudet et de Mallet, mes grands
camarades, qui sont toujours là pour me frayer la voie par leur
courage.
« Et pourquoi la hache ?
Pour défoncer le tonneau de cartouches qu il m est défendu
de livrer sans un ordre du maire, sans tous les sacrements de
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l état-major, mais que j ai fait rouler dans la rue pour que vous y
puisiez le pain de vos gibernes. Fais sauter le couvercle !
Vive la République ! »
Tous en ligne& pas un qui manque à l appel !
Les officiers s approchent de moi. Il se forme autour de mon
képi découronné comme un conseil de guerre.
« On va partir, c est dit. Mais il faudra auparavant s entendre
avec la Place pour combiner notre entrée en bataille, savoir
quelles sont les mesures déjà prises& »
Ce sont d anciens soldats qui mettent cette barre en travers
du chemin.
Chez Clément Thomas.
« Le général ?
Vous ne pouvez pas le voir.
Il le faut !
Halte-là ! »
Mais à bas la consigne ! Les factionnaires marchent sur elle et
l écrasent sous le piétinement de leur colère quand nous leur
lançons dans l oreille les nouvelles sinistres, et notre résolution.
Clément Thomas arrive au bruit.
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Il se fâche, me reconnaît, m interpelle.
« Que voulez-vous encore ? »
Ce que nous voulons, je le lui crie, les autres le lui crient
aussi.
« Je vous fais empoigner si vous gardez ce ton-là ! »
Nous le gardons& les empoigneurs se font attendre. Mais il
nous bouscule de son autorité et de sa prétendue expérience de
stratégie le général qui fut marchef3 pour tout potage, il y a
trente ans !
Il nous jette à la tête un plan qui vient d être élucidé par
l Hôtel de Ville avec les chefs de corps, et que notre expédition
irrégulière ferait manquer.
« Des forces ont été échelonnées suivant les lois de la guerre,
et doivent intervenir à des moments précis, suivant des signaux
connus. Des surprises savantes sont ménagées pour écraser
l ennemi et venger nos morts& Consentez-vous à accepter la
responsabilité de la défaite, à vous exposer aux reproches de folie
ou même de trahison ? »
J ai baissé la tête, effrayé, et j ai repris le chemin du boulevard
Puebla où les hommes m attendaient, drapeau au centre.
Un officier de secteur nous avait accompagnés. Il a promis
que s il y avait du renfort à diriger sur le Bourget, c est le 191e qui
serait lancé le premier.
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Maréchal des logis chef
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Ah ! bien, oui ! On s est couchés, les larmes aux yeux, et l on a
remisé le drapeau trempé par la pluie et puant la laine mouillée
alors qu il aurait dû embaumer la poudre !
31 octobre.
Autres nouvelles plus affreuses encore ! Bazaine a trahi !
Le gouvernement de la Défense le savait et le cachait.
« À l Hôtel de Ville ! »
De quartier à quartier, on s est entendus pour descendre
ensemble.
On descend !
Mais devant la Corderie, des amis sont groupés, qui me
confisquent, prétendant que les compagnies peuvent aller de
l avant sans moi, tandis qu il y a à délibérer au nom du peuple.
« Il s agit de savoir comment on conduira le mouvement. »
Seulement, nous ne sommes que sept. Les célèbres
manquent. Blanqui est venu, puis reparti ; Vaillant de même. Les
plus populaires sont noyés dans les bataillons qui ont voulu les
avoir avec eux, et ne les lâchent pas. Jusqu à moi, que l on
réclame, là-bas, et qu on vient reprendre.
« Vingtras ! Vingtras ! »
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